• Dans la première partie, Chu nom (1), nous avons présenté le chu nom, une ancienne écriture inventée par le Vietnam. Cette écriture disparaît progressivement avec l'invention au 17e siècle d'une écriture basée sur l'alphabet latin. En 1920, un décret du gouvernement colonial interdit son utilisation.

    Aujourd'hui, il existe des organisations de sauvegarde du Chu Nom, notamment http://www.chunom.org/ et http://nomfoundation.org/.

    Un mot sur le logo de cette dernière :

    Chu nom (2)

    Nous lisons des caractères Nom en deuxième ligne qui, en l'occurrence, sont empruntés au chinois : 會保存遺產喃 (会保存遗产喃 en simplifié).

    Puisque la phrase est écrite en caractères chinois, essayons de l'interpréter en chinois.

    Si nous lisons de gauche à droite, cela donne (savoir) 保存 (sauvegarder) 遗产 (l'héritage) (Nom). C'est parfaitement compréhensible même si le chinois aurait dit 会保存喃遗产 au lieu de 会保存遗产喃. Mais ce n'est manifestement ce qu'il faut comprendre.

    Il faut lire la phrase plutôt de droite à gauche.

    En inversant complètement les caractères, nous obtenons 喃产遗存保会. Cela n'a aucun sens, car le chinois dit 遗产 et non 产遗, 保存 et non 存保. Mais il s'agit de Chu Nom et non de chinois, après tout on dit bien 字喃 en vietnamien et 喃字 en chinois.

    Pour en avoir le cœur net, nous avons consulté le dictionnaire chinois-vietnamien http://www.hanviet.org/. Celui-ci nous apprend que 保存 (bǎocún) se dit bảo tồn en vietnamien. Il s'agit bien de 保存 et non de 存保.

    En conclusion, il faut lire 会保存遗产喃 de droite à gauche, mais en conservant invariables les deux mots 遗产 et 保存. Cela donne (Nom) 遗产 (héritage) 保存 (sauvegarde) (organisation), ce qui a parfaitement un sens en chinois : organisation de sauvegarde de l'héritage Nom.

    Ci-dessous, nous vous présentons une photo tirée de http://nomfoundation.org/ :

    Chu nom (2)

    Il s'agit de la dernière page d'un ouvrage, se terminant apparemment par dix vœux. Nous avons entouré chaque numéro d'un rectangle rouge, et mis le chiffre correspondant juste à côté. Nous reconnaissons par exemple Chu nom (2)  qui signifie trois.

    Nous avons été surpris de trouver deux nombres chinois, (un) et (cinq). Nous les avons entourés de violet, avec une flèche pointant vers leurs équivalents chu nom. Apparemment, on conserve les nombres chinois lorsqu'il s'agit d'expressions chinoises.


    votre commentaire
  • Pour changer un peu, nous allons parler de parties sémantique et phonétique de caractères chinois en... vietnamien, plus précisément en vietnamien ancien.

    À l'époque Qin, le général 赵佗 (Zhào Tuó) a mené une expédition de pacification au Sud, puis en a profité pour se proclamer roi du 南越 (Nányuè, Nam Việt en vietnamien), plus ou moins discrètement. C'est le premier roi « vietnamien », toujours vassal de la Chine.

    C'est en 932 que le Vietnam est devenu un royaume indépendant. Une nouvelle écriture est née progressivement pour marquer la différence avec la Chine, mais c'est toujours basé sur le chinois. C'est le Chữ Nôm, 字喃 (zìnán) qui devrait être 喃字 en chinois.

    Nôm signifie à la fois vietnamien et commun, populaire, sans doute par rapport au chinois qui était la langue des élites.

    Il y a plusieurs origines principales des caractères du Chu Nom à partir de caractères chinois.

     

    1. Emprunt purement phonétique

    (suì), briser, devient tôi, je, moi, mon.

    (bié), séparer, devient biệt, séparer, mais aussi biết, savoir.

    (yāo), rein, taille, devient yêu, aimer, chérir.

    (gù), solide, d'origine, bien sûr, devient có, avoir.

    Exemple : 碎(倅)別腰 (tôi biết yêu), je sais aimer.

     

    2. Association d'idée

    - Chu nom trời, ciel, car formé de 天上, sur le ciel, céleste.

    - Chu nom trùm, chef (de village), car formé de 人上, au-dessus des hommes.

    Notons que le chinois a aussi ce genre de caractères, par exemple :

    - (jiān), pointu, car formé de (xiǎo), petit, au-dessus de (dà), grand.

    - (wāi), incliné, car formé de (bù), non, et de (zhèng), droit.

     

    3. Combinaison de partie sémantique et de partie phonétique

    - Chu nom, ba, trois, avec (bā) phonétique et (sān), trois, sémantique.

    Chu nom ou Chu nom, bé, petit, avec閉/闭 (bì) phonétique, et (xiǎo), petit, sémantique.

    - Chu nom, nhỏ, petit, avec (rǔ) phonétique, et (xiǎo), petit, sémantique. Je n'ose pas imaginer que , sein, soit également sémantique...

    - Chu nom, giỏi, doué, exceller à, avec (lěi) phonétique, et (hǎo), bon, aimer, sémantique.

    Coucou à notre amie !

     

    Le Chu Nom n'a jamais été complètement utilisé comme langue officielle. Il fallait en effet connaître d'abord le chinois, et les élites qui connaissaient le chinois ne daignaient pas passer à la nouvelle langue. D'autre part, ce n'était pas suffisamment stable.

    Le Chu Nom a été interdit par le pouvoir colonial, et remplacé par l'écriture latinisée qu'on connaît de nos jours. C'est ainsi qu'on écrit Chữ Nôm au lieu de 字喃, ou plus exactement Chu nom.

    Aujourd'hui, des forums vietnamiens font apparaître la volonté de ne pas oublier la culture ancestrale, ce qui est très louable.

    En toute objectivité, cependant, on peut regretter la complexité d'écriture du Chu Nom, notamment à cause de la partie phonétique. Citons par exemple :

    Chu nom signifie , montagne (chinois 3 traits, Chu Nom 17)

    Chu nom signifie 門/门, porte (chinois traditionnel 8 traits, simplifié 3, Chu Nom 25).

    À suivre


    votre commentaire
  • Il me revient un trait amusant de la syntaxe du chinois.

    Prenons (shèng), victoire, succès, et (bài), défaite, échec.

    Pour consoler quelqu'un d'avoir perdu, on lui dira 胜败乃兵家常事 (shèngbài nǎi bīngjiā chángshì), la victoire ou la défaite sont le lot des armées.

    Il n'y a donc pas d'ambiguïté.

    Or, pour dire que l'équipe chinoise a battu l'équipe américaine (au hasard) à plate couture, on peut dire indifféremment :

    • 中国队大美国队 (zhōngguóduì dàshèng měiguóduì)
    • 中国队大美国队 (zhōngguóduì dàbài měiguóduì)

    Victoire ou défaite, c'est nous qui gagnons ? (On dirait un leitmotiv de soirée électorale)

    Il faut savoir que le chinois classique permet l'usage causatif de certains verbes. Quand on voit :

                verbe + nom (败美国队)

    il faut comprendre que ce nom est en réalité le sujet, et non le complément du verbe :

                Faire en sorte que + nom + verbe (使美国队败)

    Il faut donc lire la seconde version de notre phrase comme suit :

    •  中国队使美国队大败 (zhōngguóduì shǐ měiguóduì dàbài), littéralement l'équipe chinoise fait en sorte que l'équipe américaine perde sévèrement.

    Cet usage causatif n'est possible que si l'adversaire suit le verbe . Pour que 中国队大败 signifie que l'équipe chinoise a perdu, il ne faut donc pas que l'équipe adverse suive le verbe .


    votre commentaire
  • Dans notre article Caractères traditionnels et simplifiés du 01/02/14, nous avons vu que le nom du restaurant 一佳歺厅 de Shanghai devrait être 一佳餐厅.

    En effet, une liste de seconde simplification (二简, èr jiǎn) de 248 caractères a été publiée le 20/12/1977, y figurait la simplification de en 歺. Six mois plus tard, les quelques journaux chargés d'expérimentation ont abandonné. Le rejet était massif. Finalement, la réforme était officiellement abandonnée en septembre 1986.

    Nous ressortons cette histoire aujourd'hui parce que nous y avons été confrontés il y a une quinzaine de jours.

    En effet, à titre d'exercice, le professeur de chinois [1] de 贺柏黛 a demandé aux étudiants de la classe de déchiffrer une lettre manuscrite qui date de 1993.

    Je me suis procuré une copie de cette lettre pour pouvoir aider 贺柏黛 [2], car certaines parties sont moins lisibles qu'une ordonnance de médecin.

    En travaillant sur cette lettre, j'ai eu la surprise de voir plusieurs caractères de la seconde simplification. Avec la permission de M. Che, je vous présente les six caractères suivants :

    • 遗憾 (yíhàn), regret
    • 遵照 (zūnzhào), se conformer à
    • (tíng), s'arrêter
    • de 感冒 (gǎnmào), rhume

    Seconde simplification du chinois

    Sur les six caractères, seuls , et sont conformes à la seconde simplification. Cela est normal, ils faisaient partie d'une première liste à expérimenter immédiatement et étaient donc mieux connus.

    Les trois autres (, et ) n'ont pas été simplifiés, car ils étaient publiés pour avis seulement, donc peu connus du public.

    Nous voyons le  de 感冒 écrit en Seconde simplification du chinois, c'est une ancienne  variante.

    a été écrit en , c'est une faute qui ne nous intéresse pas. Nous avons quand même mis 遵照 pour montrer que la nouvelle forme aurait ressemblé beaucoup trop à 专业 (zhuānyè), spécialisé.

    Voyons quelques autres exemples.

    (tíng), s'arrêter, est un homme qui fait une halte dans un pavillon ou un kiosque (tíng). Ce a pour partie phonétique (dīng). Sa partie sémantique, une sorte de tour, se voit mieux dans le tableau ci-dessous :

    Seconde simplification du chinois

    Tous les caractères du tableau ci-dessus ont quelque chose à voir avec une sorte de tour, d'où le sens de haut, grand. Dans ces conditions, la simplification de et de aurait vraiment posé problème.

    De même, la tentative de simplification de en Seconde simplification du chinois et de en Seconde simplification du chinois posait vraiment problème, même avec le cursif comme justification :

    Seconde simplification du chinois

    Par contre, le retour de (sī, personnel, privé) et de (dīng, clou) à leurs formes originelles et n'aurait pas été très choquant.

    Enfin, pour le pantalon (kù) qui a failli être simplifié en (fū), il faut savoir qu'il y a longtemps que les Cantonais écrivent indifféremment ou , tous deux se prononçant fu3 en cantonais ; d'autre part, le sens de pantalon de a été attesté dès le 6e siècle dans le dictionnaire 玉篇 (Yù Piān).

    [1] Philippe Che, Maître de conférences, Directeur du Département d'Études Chinoises, Aix-Marseille Université.

    [2] 贺柏黛 a bien précisé à M. Che ceux des caractères qui n'ont pas été déchiffrés par elle...


    votre commentaire
  • 贺柏黛 a étudié l'organisation politique chinoise en cours de Presse. À propos de la session annuelle de l'Assemblée populaire nationale (APN) de Chine, elle a appris notamment les deux termes suivants :

    • 开幕会 (kāimùhuì), cérémonie d'ouverture (de rideau)
    • 闭幕会 (bìmùhuì), cérémonie de clôture (de rideau)

    Nous allons examiner ce caractère (mù).

    , rideau, a comme partie sémantique (jīn), tissu, serviette, et partie phonétique (mò), absence, interdiction.

    Voyons le sens originel de ce dernier.

    Levons le rideau sur 幕

    Sur ossécaille, s'écrivait d'abord avec un soleil entouré d'arbres Levons le rideau sur 幕puis, plus tard, les arbres étaient remplacés par de l'herbe Levons le rideau sur 幕. Le bronze et le sigillaire conserveront les herbes. Avec un soleil descendant au niveau des hautes herbes, signifie crépuscule. Plus tard, quand il était emprunté pour la négation, l'interdiction, on a ajouté un soleil pour donner (mù), le crépuscule que nous connaissons aujourd'hui.

    Cet emprunt s'est produit dès l'époque du bronze comme le montre la reproduction ci-dessous :

    Levons le rideau sur 幕

    Inversement, dans la littérature Qing, on trouvait encore des expressions telles que 莫春 au sens de 暮春, fin de printemps.

    Pour comprendre comment a pu être emprunté, il faut partir de la disparition du soleil. On peut en déduire en effet les sens de cacher, masquer, isoler, d'où l'absence et l'interdiction en chinois classique.

    Revenons maintenant à notre rideau . Nous voyons maintenant que n'est pas seulement phonétique, mais qu'il est également sémantique. Le rideau  est cette pièce de tissu () qui sert à masquer () quelque chose.

    Pour terminer, examinons quelques caractères contenant un à la fois phonétique et sémantique.

    • (mù), tombe, tombeau, le corps étant mis en terre () pour isoler () des vivants
    • (mù), Levons le rideau sur 幕 sur bronze, admiration, c'est un sentiment caché () dans son cœur ()
    • (mù), quête, collecte, qui doit être volontaire, excluant () l'usage de la force (), à moins que ce ne soit l'obtention de quelque chose sans () effort ()...
    • (mò), soudain : le cheval (), effrayé, n'avance plus () brusquement. Exemple : 蓦然回首 (mòrán huíshǒu), tourner soudain la tête
    • 摹 (mó), calquer, copier, pas () fait de sa propre main ()
    • (mó) est une membrane corporelle (月 = 肉), destinée à isoler () les organes, ou bien ce n'est pas () vraiment de la chair (月 = 肉)
    • (mú) est un moule, pas () une pièce de bois ordinaire ()
    • (mò), solitude, seul dans la maison (宀), isolé (莫) du monde extérieur
    • (mò), désert pour cause de manque () d'eau ().

    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique