• « La grande mutation des femmes chinoises »

    Compte rendu de lecture dans le cadre de LLCE1 chinois.

    Par Shangdaer, le 28 novembre 2013.

    Elisseeff, Danielle, XXe siècle : La grande mutation des femmes chinoises, Paris, « Bleu de Chine », 2006. 160 p.

    Danielle Elisseeff nous raconte la situation des femmes chinoises plus particulièrement au siècle dernier, avec des retours indispensables aux traditions confucéennes. En passant par la dynastie Han (-202 à 220), nous voici à celle des Song (420-479), à laquelle les femmes semblent devoir leurs lotus d'or jinlian 金莲, désignation bien poétique des pieds mutilés par les bandages. Elle aborde aussi les dynasties Ming (1368-1644) et Qing (1644-1911), avec l'extravagante impératrice Cixi 慈禧 (1835-1908).

    L'auteur nous fait donc découvrir, à travers les femmes, les mouvements et pressions de l'Histoire sur leur vie. Citons Xiang Jingyu 向警予 (1895-1928), première femme à ouvrir une école, Qiu Jin 秋瑾 (1875-1907), archétype de la femme révolutionnaire, fondatrice de la première revue féminine ; ce ne sont que quelques-unes des femmes extraordinaires qui ont œuvré pour leur liberté d'expression. Nous découvrons par ailleurs les femmes qui ont marqué de leur influence des personnalités telles que Lu Xun 鲁迅 (1881-1936), Jiang Jieshi 蒋介石 (1887-1975) et Mao Zedong 毛泽东 (1893-1976).

    Ne sont toutefois pas exclus les vies et combats de femmes simples. Comme Elisabeth Badinter aurait pu écrire dans son livre L'amour en plus (1980), ce sont des femmes tour à tour femmes-mineures, femmes-plaisir, femmes-ventres, femmes-ouvriers, femmes-asexuées, femmes-révolutionnaires, femmes-terroristes. Certaines seront rattrapées par la prison, la torture, la mort.

    Dans cette Chine tiraillée entre deux mondes, la femme d'aujourd'hui se réinvente avec une liberté à apprivoiser. Mais Danielle Elisseeff est résolument optimiste.

    Pourquoi un livre sur les femmes ? La vie n'est-elle pas une aventure commune aux deux sexes ? La réponse est dans ce livre. Si nous pouvons reprocher le manque d'illustrations, nous passons volontiers outre. Danielle Elisseeff est historienne spécialiste de la Chine, titulaire d'un doctorat de recherches sur l'Extrême-Orient, chercheur à l'École des Hautes Études Sociales, assurément une auteur extrêmement bien documentée qui convainc par des jalons historiques précis, des précisions en caractères qui combleront le lecteur averti, des témoignages et l'évocation de personnalités.

    Ainsi, c'est d'un regard aiguisé, pointu, parfois espiègle que se soulève un pan de l'Histoire sur le statut de la femme en Chine. Des dynasties et de nombreux épisodes politiques seront évoqués. DeQin (-221 à -206) aux Han, et à la Chine partagée qui se réunit pour lutter contre l'invasion japonaise, de la guerre de l'opium (1840-1942) à la première République de Sun Zhongshan 孙中山 (1866-1925), rien n'est oublié. Un tableau réaliste de vies inextricablement enchevêtrées à la politique, à l'économie, aux mouvements intellectuels et aux évolutions de la famille, nous est présenté. Un livre sur les femmes car elles sont souvent les oubliées de l'Histoire dans l'immobilisme des traditions patriarcales et confucéennes, et qu'ici nous trouvons une forme d'hommage bien légitime.

    Un dernier mot sur la couverture du livre en adéquation complète avec le sujet : des jambes gainées de collant rouge, image arrogante de la modernité, avec, à leurs bouts, de petits pieds bandés, symbole de la Chine ancienne.

    « La grande mutation des femmes chinoises »

    Ce livre, concis, riche d'enseignements, se clôt par une bibliographie qui complètera l'information du lecteur.

    NB. Le présent article était initialement publié le 19/12/13 sur http://shangdaer.blogspot.fr/.


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